(1667-1752)
Portrait d’un élégant
Huile sur toile
130,5 x 96,5 cm
Encadré : 164 x 130 cm
Porte au revers une signature : R. Tournière. / 1728
C’est à Dezallier d’Argenville, en 1762, que l’on doit la première biographie de Robert le Vrac Tournières. Après une première formation auprès de Frère Lucas, celui-ci rejoignit la communauté des maîtres peintres et Sculpteurs de l’Académie de Saint Luc, qu’il fréquenta jusqu’en 1695. Le jeune artiste rentra ensuite dans l’atelier du peintre d’Histoire Bon Boulogne, où il cotoya également son célèbre frère, Louis de Boulogne, ainsi que les jeunes artistes de leur atelier de la rue sainte Anne : Santerre, Bertin ou encore Jean Raoux.
Le jeune Tournières rejoignit ensuite l’atelier de Hyacinthe Rigaud, dont il fut un des meilleurs élèves avec Jean Ranc. Tournières est d’ailleurs mentionné à plusieurs reprises dans le Livre de raison du maître, en 1698 et 1699 pour des commandes de copies d’œuvres de Rigaud.
Le jeune artiste eut ainsi, parmi ses premiers commanditaires, des clients que Rigaud ne pouvait satisfaire, ou bien encore des membres de la bourgeoisie ne pouvant payer les prix très élevé du célèbre portraitiste.
Le succès de Tournières fut immédiat et l’artiste fut agréé à l’Académie en 1701 avec le Portrait du Chancelier de Pontchartrain. Il fut reçu dès l’année suivante avec les portraits des académiciens Pierre Mosnier et Michel II Corneille, tous deux aujourd’hui perdus.
Nommé peintre ordinaire du roi en 1703, il participa au Salon de 1704, organisé par l’Académie pour célébrer la naissance du duc de Bretagne, arrière-petit-fils de Louis XIV. Le Vrac Tournières put ainsi exposer dans la grande galerie du Louvre pas moins de 21 portraits et 2 tableaux d’Histoire.
On connait également de lui un grand nombre de copies d’œuvres telles que la célèbre Leda du Corrège, alors présentée dans la galerie des peintures des Orléans au Palais Royal, ce qui montre que Tournières avait déjà accès aux plus importantes collections. Il reçut la commande d’un Portrait en buste de Philippe d’Orléans, aujourd’hui perdu, mais qui fut gravé en 1709, et Dezallier rapporte que vers la fin du règne de Louis XIV le duc et sa cour fréquentaient son atelier.
Tournières reçut de nombreuses commandes de portraits d’avocats et de magistrats dans les années 1710, ces derniers venant prendre la pose dans son atelier de la rue de Richelieu.
Souhaitant être reconnu comme peintre d’Histoire, plus valorisant que le statut de portraitiste, tournières présenta à l’Académie un Dibutade qui lui permit d’être agréé en 1714, puis fut reçu comme peintre d’Histoire en 1716.
Artiste prospère, il exposa au salon de 1725, le premier depuis 1704, six portraits et deux tableaux d’histoire.
Il se maria en 1736 avec Françoise Dauvin, la fille du dessinateur du Roi François Noblesse, toute jeune veuve qui était la mère du jeune François Le Moyne.
Tournières travailla un peu moins après 40 ans mais il reçut sa commande la plus prestigieuse alors qu’il approchait des 80 ans, un ex-voto dédié à Sainte Geneviève. Celui-ci fut offert par les échevins de la ville de Paris en remerciement de la convalescence de Louis XV mais ce tableau, majeur dans le corpus de l’artiste, disparut malheureusement de Saint Geneviève pendant les troubles révolutionnaires.
Le peintre se rendit à l’Académie pour la réception de son portrait par le jeune Pierre Le Sueur en 1747.
Sa fin de vie fut malheureusement difficile puisque, ruiné, il dut partir vivre chez son neveu. Il mourut en 1752, sans avoir eu d’enfant. Solitaire et, d’après Dezallier d’Argenville, de caractère difficile, il n’eut jamais vraiment d’élève, collaborant seulement à quelques reprises avec Pierre-Nicolas Huilliot.
Resté célèbre pour ses portraits élégants, on lui doit un certain nombre de tableaux d’Histoire comme le Moïse déposé sur les eaux du Musée des Beaux-Arts de Caen ou la Résurrection du Christ conservé en collection privée, ou encore un paysage, aujourd’hui perdu, qu’il présenta au Salon de 1742 Vue de la ville de Genève et du lac. Il exécuta également un certain nombre de compositions influencées par Grimou, dont l’une est signée R. Tournière 1726.
Parmi ses portraits les plus célèbres le très beau le Portrait du Comte Ferdinand Adolf von Plettenberg, tableau rentoilé portant au revers, comme le nôtre, l’inscription « R.Tournière. 1726 à Paris, Ferdinand Graff von Plettenberg Wittem », le fantastique Portrait de Pierre-Louis Moreau de Maupertuis en habit de Lapon, malheureusement en mauvais état, datant de 1740 et aujourd’hui conservé au Château de Charlottenburg.
Notre élégant portrait reprend un modèle tout à fait traditionnel chez Tournières, avec un modèle représenté de ¾, à mi-jambes. Il est ici portraituré dans un paysage, que l’on retrouve au second plan du Portrait d’homme au manteau rouge (Wildenstein 1958). On peut le rapprocher du Portrait du fils de Jean Duc, passé en vente en 1908.
La signature reportée sur un morceau de toile au revers de notre tableau reprend très certainement la signature cachée lors du rentoilage de notre portrait. C’était en effet la manière la plus courante pour l’artiste de signer ses toiles avec l’initiale de son prénom, suivie de son nom (sans ‘s’) puis de la date du tableau.