CLAUDE-JOSEPH VERNET
(1713 Avignon – Paris 1789)
Vue du temple de Vénus, le château de Baia au second plan
Pierre noire, encre et lavis, noir, gris et brun
410 x 690 mm
Exécuté vers 1750
PROVENANCE: Notre dessin faisait partie d’un album constitué à Vienne entre 1820 et 1830 ; Antoine-Augustin Renouard (1765-1853), Paris, 20 Novembre 1854, partie du numéro 628 ; Louis Potier, libraire ; vente anonyme, Me Blache, Versailles, 13 Mars 1966, lot 165 ; Knoedler Gallery, New York ; Ford Foundation depuis 1966
Cochin, dans une lettre adressée à son jeune confrère Jombert soulignait l’importance de l’étude des ombres et de la lumière, pointant que « c’est par ces soins que M. Vernet s’est rendu la nature si familière ». C’est dans une série magistrale de dessins à la plume et au lavis, parfois réalisés en bateau, depuis la mer, lors de séjours dans la région de Naples et que l’on peut dater vers 1740-45 ou entre 1748 et 1750, que l’avignonnais donna la plus parfaite illustration de ce principe.
Un certain nombre de traits communs aux quelques dizaines de feuilles de cette technique qui nous sont parvenues (dont une vingtaine à l’Albertina de Vienne, comme Le Palais di Donn’Anna et une Vue du Château de Baia et du Cap Misène) peuvent être relevés : une mise en place à la pierre noire, légère et spontanée, propre à l’étude d’après nature, l’usage en grands aplats de lavis, le plus souvent d’encre de Chine, parfois mêlée de bistre, créant des effets de lumière très heureux, le format souvent panoramique, le contraste entre les architectures fourmillant de détails et de larges espaces (surtout le ciel et la mer), laissés en réserve.
Vernet (Portrait par E. Vigée Le Brun, 1778, Musée du Louvre) avait suivi les conseils de Nicolas Vleughels, alors directeur de l’Académie de France à Rome, qui déplorait le manque de paysagistes en France, où ce genre était alors considéré comme mineur. Estimant que l’observation et les dessins pris sur le vif étaient indispensables pour restituer le sentiment vrai de la nature, il recommanda à Vernet de voyager, ce que fit de façon inlassable ce dernier, parcourant l’Italie pendant près de vingt ans, entre 1734 et 1753.
Occupant la majeure partie de notre feuille, le temple de Vénus, construit sous le règne d’Hadrien (117-137), est envahi par une végétation exubérante, alors qu’apparait au second plan, le château de Baia, construit à la fin du XVe siècle par Alphonse II d’Aragon.
Il est très probable qu’Edmond de Goncourt faisait référence à ce type d’œuvres lorsqu’il évoquait « …de tranquilles et sérieux dessins qui ont rompu avec le tapage pittoresque de l’école de Boucher : des effets larges, de grandes lumières dormantes, le commencement de l’enveloppement d’un paysage par une atmosphère », (La maison d’un artiste, 1881).
Biographie
Après un apprentissage artistique dans son midi natal, Joseph Vernet put faire le voyage de Rome grâce à des mécènes locaux. Il devait rester vingt ans en Italie, développant, en marge de l’Académie de France à Rome dont il n’était pas pensionnaire, une importante clientèle.
L’artiste se spécialisa dans la peinture de Paysage, manifestant son goût pour les marines ; il reprenait très souvent les mêmes thèmes, soleil levant, couchant, clair de lune, introduisant à chaque fois de subtiles variantes qui lui permettaient de renouveler sa production.
Agréé à l’Académie en 1745, Vernet exposa régulièrement au Salon de 1746 à 1789. Sa réputation et l’amitié du marquis de Vandières, le futur marquis de Marigny et Directeur Général des Bâtiments, lui valurent la commande de la série des Ports de France qui le tint occupé de 1753 à 1762. Rentré à Paris, il produisit un grand nombre d’œuvres pour des amateurs séduits par « [ce] scrutateur de la Nature dont il sait épier les moments les plus singuliers avec une sagacité étonnante » (La Font de Saint-Yenne, Critique des Salons). Le dessin fut un aspect très important de l’œuvre de Joseph Vernet ; on en vendit plus de sept cents lors de la dispersion, en 1790, de son atelier. La plupart de ceux-ci sont des lavis d’encre de Chine et d’encre brune d’une grande sensibilité et des croquis au crayon.