CLÉMENCE-SOPHIE DE SERMEZY
(Lyon 1767-1850 Charentay)
Vénus consolant Cupidon
Terre cuite
26 x 25 x 13,5 cm
Signé et daté sur la terrasse : juin 1825 / M de Sermez
Porte l’inscription en grec : « Je suis perdu, mère, dit-il / Je suis perdu et je meurs »
Clémence-Sophie Daudignac vit le jour au sein de la haute société lyonnaise. Son père était directeur des octrois (receveur des taxes) de la ville et son oncle intimement lié au père de Juliette Récamier, l’une des figures féminines les plus en vue de la Révolution, et de l’Empire, dont madame de Sermézy exécuta un buste en 1805.
Son mariage en 1791 avec un officier, Marc Antoine Noyel de Béreins, comte de Sermézy, trouva une fin cruelle avec la mort de celui-ci lors des troubles révolutionnaires.
Madame de Sermézy manifestait une grande érudition, et parlait plusieurs langues. Les inscriptions grecques ou latines, parfois humoristiques ou à double sens, dont elle ornait ses terres cuites, témoignent de ce statut de femme lettrée.
Elle bénéficia, au milieu des années 1790, de l’enseignement de son illustre compatriote Chinard et reçut dans son atelier de la place Bellecour, l’une des artères les plus aristocratiques de la ville, les principaux artistes et amateurs lyonnais, parmi lesquels Fleury Richard et Pierre Révoil, grâce auquel nous connaissons les traits de notre sculptrice (P.Révoil, Propertia (sous les traits de Madame de Sermézy), Musée des Beaux-Arts, Lyon). Madame Récamier, l’acteur Talma, Madame de Staël lui rendirent également visite, consacrant sa position dans la ville.
Lors des Cent jours, durant la tentative de retour au pouvoir de Napoléon qui se solda par l’échec de Waterloo, son atelier fut mis à sac en raison de son attachement à la cause royaliste et au retour des Bourbon. Cette galerie, uniquement composée de ses œuvres, et essentiellement de terres cuites, renfermait une grande partie de sa production car elle n’avait pas pour habitude d’en faire le commerce.
Même si le raffinement et la délicatesse de ses petits groupes gardaient le souvenir des créations de l’Ancien Régime, celles de Pajou, Clodion ou Marin, Madame de Sermézy s’inscrivit dans le mouvement néoclassique mené par Canova, Chaudet et Chinard.
Elle s’intéressait aussi bien à des sujets historiques (1824, Dame conseillant un page, Musée du Petit Palais, Paris), religieux que familiaux, heureux, comme un Homme tenant une fillette sur ses genoux (1824, MBA, Lyon), La partie d’échecs (1821, Lyon, Musée des Arts Décoratifs et des Tissus), ou malheureux avec sa Figure agenouillée sur une pierre tombale, (1827, Lyon, Musée des Beaux-Arts) ou encore l’émouvant Projet pour le tombeau de sa fille, Marguerite. (1810, MBA, Lyon).
C’est d’ailleurs au cours des années 1820, qu’elle multiplia les petits modelages, préfigurant la mode des statuettes de l’époque romantique.
Pour notre groupe en terre cuite, Madame de Sermézy a choisi un sujet mythologique et décline donc le répertoire appris au près de Chinard : drapé à l’antique de la tunique rappelant les chitons grecs, siège au piètement en forme de dauphins encadrant une large coquille, coiffure rappelant, là encore, le modèle antique. Le traitement est précis, nerveux et fouillé et témoigne de la grande maîtrise technique atteinte par son auteur.
Le jeu des regards, plein de douceur chez Vénus, de dépit chez l’Amour, la tendresse de l’étreinte consolatrice, annoncent la veine plus sentimentale du Romantisme naissant, celle d’une artiste à la croisée des influences et des mouvements artistiques en France, sous la Restauration.
L’inscription sur la base de notre terre cuite nous renseigne sur le sujet représenté. Il s’agit de l’illustration de l’Amour piqué par une abeille qui appartient à la veine anacréontique célébrant les pouvoirs et les dangers de l’Amour, thématique très présente dans les arts dès le premier tiers du XVIIIème siècle. Plus précisément, Madame de Sermézy reprend l’ode XL des Poésies d’Anacréon et de Sapho lorsque Vénus, explique à l’Amour la douleur de ses flèches par comparaison avec une simple piqûre de guêpe :
« L’Amour sur un buisson vouloit prendre une rose, / Qui brilloit à ses yeux nouvellement éclose./ Une abeille en sortit, qui lui pique la main./ Il en jette un cri tendre, il pleure et va soudain/ Trouver la Reine de Cythère./ Je n’en puis plus, dit-il, je suis blessé, ma mère./ Par un petit serpent ailé, / Qui par les laboureurs abeille est appellé./ Mon fils, lui dit Vénus riant de l’Aventure, / Tu ne saurois au doigt souffrir une piqueure./ Tu pleures, tu te crois mortellement blessé. Juge par la tout ce qu’endure/ Un cœur de tes flèches percé. »
(M. Dacier, Les Poésies d’Anacréon et de Sapho, traduites en français avec quelques remarques, nouvelle édition, Amsterdam, 1713).