(1777 Lyon – 1852 Ecully)
Le Tasse en prison visité par Montaigne
Huile sur toile
120 x 95 cm
Circa 1822
PROVENANCE : Descendance de l’artiste
BIBLIOGRAPHIE : Marie-Claude Chaudonneret, Fleury Richard et Pierre Révoil, La Peinture Troubadour, Arthena, 1980, N°44, p.82.
Ayant choisi pour cadre l’escalier de la crypte de l’église lyonnaise de Saint-Irénée, Richard représente la rencontre entre Michel de Montaigne (1533-1592), l’humaniste et le philosophe, rédacteur des Essais et Le Tasse (1544-1595), le poète génial, auteur de La Jérusalem délivrée, un temps enfermé en raison de sa folie par le duc de Ferrare. La scène s’est déroulée en 1581, à l’hospice Sainte-Anne, “J’eus plus de dépit que de compassion à le voir en si piteux état…” écrivait Montaigne à la suite de sa visite. Le Tasse continua à écrire avec constance et passion, le duc lui ayant octroyé après quelques mois de spacieux appartements où le poète pouvait travailler et recevoir.
Richard a montré le génie tourmenté, regardant avec une expression hallucinée son visiteur, ses bas trivialement défaits, agité mais poursuivant son travail. La beauté éclatante de son costume à crevés témoigne de sa qualité de courtisan et de gentilhomme. La tenue plus sobre et le geste, surpris mais mesuré, avec lequel Montaigne salue son ami, contrastent avec la folie et le panache du Tasse.
L’originalité de la mise en page où la volée de marches conduit l’oeil du spectateur vers le monde extérieur, le soin apporté aux détails, végétation et étoffes, l’étude subtile des effets lumineux, du jour cru à la pénombre de la crypte, la beauté de la nature-morte du premier plan, témoignent du soin port par Richard à son œuvre. La version aujourd’hui conservée au musée des Beaux-Arts de Lyon fut commandée par le comte de Schönborn qui dut y renoncer à la suite d’un malentendu. Notre toile d’une qualité équivalente fut probablement exécutée en même temps par Richard qui voulait garder une version de sa composition.
Biographie : Fleury Richard fut avec Michel Grobon et Pierre Révoil l’un des fondateurs de “l’École lyonnaise”. Il suivit à partir de 1789 les cours de l’École de dessin de la ville où il reçut une formation de peintre de fleurs en relation avec l’industrie des soieries, l’une des principales de Lyon. Il arriva à Paris en 1795 et fut admis l’année suivante dans l’atelier de David où il devait rester trois ans. Ses oeuvres furent appréciées par la famille impériale puisque Joséphine lui acheta, de 1805 à 1810, sept tableaux pour sa galerie de Malmaison et le nomma Peintre de Sa Majesté. Sa fille la reine Hortense acquit également des toiles de Richard, comme son Mademoiselle de La Vallière (Arenenberg, Musée Napoléon), et copia certaines de ses œuvres. En 1814, Richard recut le titre de Peintre de Monsieur et, en 1817, celui de Peintre de Son Altesse Royale. Il travailla longuement, de 1817 à 1819, à sa seule commande officielle Tannegui Duchastel sauvant le Dauphin pour la galerie de Diane à Fontainebleau (toujours en place).Son rôle d’enseignant à l’École des Beaux-arts de Lyon occupa une place importante dans sa carrière, puisqu’il succéda à Révoil au poste de professeur, de 1818 à 1823. Frappé par la maladie en 1824, il arrêta de peindre pour se consacrer à la rédaction de ses Souvenirs. Son œuvre est réduit, la minutie de sa touche et l’exigence de son caractère l’ayant conduit à privilégier la perfection formelle à la quantité des tableaux produits.Après s’être tourné vers l’histoire antique dans l’atelier de David, Richard, en compagnie de certains de ses condisciples, Granet, Forbin, Révoil, y forme un groupe à part, passionné par l’époque médiévale et l’histoire nationale. Il fréquente le musée des Monuments Français, se plonge dans l’étude de la littérature et des manuscrits médiévaux.Au salon de 1802, il expose le premier tableau “troubadour”, Valentine de Milan. Le terme “troubadour” avait d’abord été réservé aux oeuvres littéraires pastichant la poésie du Moyen-Âge. Il engloba par la suite toutes les œuvres à sujet médiéval peintes durant la première moitié du XIXe siècle.Les critiques contemporains de Fleury Richard évoquèrent davantage une peinture “anecdotique” ou “chevaleresque” correspondant à ce genre né dans les premières années du siècle pour s’achever avec la consécration du Romantisme et le succès des Massacres de Scio de Delacroix (1824).