(1871 Leyde – La Haye 1956)
Nature morte de fruits et de pots
Huile sur toile
56 x 65 cm
Portait autrefois le monogramme de l’artiste
Provenance : Collection Willem Cornelis. Feltkamp (1898- 1974) ; Galerie Scherpel, Bussum, 1975 ; Fijnaut gallery, Amsterdam, 1979, étiquette au dos du châssis ; Collection privée, Pays-Bas
Exposition : Amsterdam, Arti et Amicitiae « Hollands Kleurenpalet rond de eeuwwisseling », 27 Septembre – 12 Octobre 1975, n°12 (collection Galerie Scherpel, Bussum)
Originaire de Leyde, aux Pays-Bas, H.P Bremmer fut un artiste totalement autodidacte qui fréquenta les cercles artistiques de Leyde puis de La Haye afin de rencontrer les artistes modernes de l’époque. Ses premières œuvres connues remontent aux années 1890 et sont pour la plupart des natures mortes, pointillistes et à la fois tout en aplats. Il exécuta également de saisissants paysages de sa région, comme Les Meules,1894, ou encore Paysage de Leiderdorp, vers 1895.
A partir de 1893, Bremmer s’intéressa de plus en plus à la théorie, la critique, travaillant notamment comme journaliste artistique, puis comme professeur de dessin et d’histoire de la peinture contemporaine. Le partage de sa vision et de sa compréhension de l’art moderne devint alors son œuvre centrale et Bremmer publia en 1906 « Eene inleiding tot het zien van beeldende kunst », « Une introduction à la vision de l’art visuel », dans lequel il enseignait comment apprécier l’art dit « contemporain », par notre expérience émotionnelle et spirituelle. C’est à cette époque qu’il rencontra Hélène Kröller-Müller, qui avait demandé des cours particuliers d’histoire de l’art à celui qui, considéré comme le plus influent des critiques d’art hollandais, était alors surnommé le « Pape de l’art ».
Cette rencontre fut essentielle tant pour le couple Kroller-Müller que pour Bremmer. C’est en effet sur ses conseils qu’Hélène découvrit l’art contemporain et plus particulièrement van Gogh, que vénérait Bremmer, et constitua une fantastique et audacieuse collection. Devenu le conseiller privé d’Hélène Kröller-Müller, Bremmer l’accompagnait tant dans les galeries ou les salles des ventes que dans les ateliers d’artistes. Ils créèrent ainsi qu’une collection cohérente mêlant maîtres anciens, symbolistes, post-impressionnistes, cubistes et pointillistes, centrée autour de Van Gogh (dont c’est aujourd’hui encore la deuxième plus importante collection au monde), Seurat, Signac, Redon, Gris, Toorop ou encore Mondrian.
S’il conseillait à l’achat, Bremmer eut également un rôle très important auprès des artistes hollandais qu’il incitait à emprunter de nouvelles voies et aidait à trouver des commanditaires. De 1914 à 1938, Bremmer était également l’éditeur de « Beeldende Kunst », dans lequel il commentait l’art moderne de ses contemporains.
Notre Nature morte de fruits et de pots est tout à fait caractéristique de la production de Bremmer entre 1895 et 1905. L’artiste, résolument pointilliste, mais qui était également très intéressé par le courant luministe de l’époque, représentait en effet des objets simples, de la vie de tous les jours, dont l’arrangement, sobre mais parfaitement étudié, les jeux d’ombres colorées, ainsi que la palette toujours lumineuse et délicate mettait en valeur la technique pointilliste du jeune peintre. Très personnelle, sa touche toute en matière, conférait à ses œuvres un aspect très particulier, proche du galuchat, comme on peut le voir sur notre toile.
Toutes ses œuvres, natures mortes ou paysages témoignent d’une recherche permanente de lumière et d’atmosphère et non d’images fortes. Leur gamme chromatique, très délicate, et souvent dans des dégradés de vert et d’orangé, se retrouve dans ses différentes œuvres, comme dans Rangée d’arbres le long de la rivière Ijssel, 1901, (vente Christie’s Amsterdam, 2007), ou encore dans un Vase de fleurs appartenant autrefois au grand collectionneur Samuel Josefowitz.
La provenance indiquée sur l’étiquette du tableau en 1979, lorsqu’il était exposé par la galerie Fijnaut d’Amsterdam, est particulièrement intéressante. En effet, notre tableau appartint à un proche de Bremmer, Wim Feltkamp (1898-1974), cousin de l’artiste qui, après ses études de droit, dans les années 1920, se rapprocha de Bremmer et reprit son enseignement artistique. Un journaliste ayant assisté à sa conférence « Evolution de la perception esthétique » décrivit ainsi sa substance, parfait résumé de ce qu’on appelle la vision « Bremmienne » de l’art « le privilège de la vision vraie, propre à l’artiste, réside dans le fait que l’on ressent très fortement l’effet des œuvres d’art, tout en n’en sachant rien, car la jouissance repose uniquement sur la perception de l’émotion vive de leur créateur ».
En 2006, une exposition monographique fut consacrée à Bremmer au musée Kröller-Müller d’Otterlo « The Art Tsar, H.P. Bremmer ».