(1767 Paris – Paris 1828)
Portrait de Raymond de Verninac
en costume d’officier de marine (1794-1873)
Huile sur toile
61 x 50,5 cm
Encadré : 76,5 x 66 cm
Signé en bas à gauche : Riesner. f
Vers 1822-1825
Provenance : par descendance familiale
Raymond Jean-Baptiste de Verninac est né à Souillac dans le département du Lot en 1794. Il est issu d’une famille de la noblesse de robe, un lignage prouvé depuis le XVe siècle. Les Verninac occupent diverses fonctions dans la magistrature. Son oncle et quasi-homonyme, Raymond de Verninac Saint-Maure (1761-1822), est un haut fonctionnaire de l’état. Son neveu, le modèle de notre tableau, est un brillant officier de marine qui doit son passage à la postérité au succès de l’expédition dont il a obtenu le commandement : ramener l’obélisque de Louxor à Paris.
Les liens qui unissent les Riesener aux Verninac sont avant tout des liens familiaux, qu’ils partagent également avec les Delacroix. Cette filiation demande quelques éclaircissements. En étudiant de près l’arbre généalogique de ces lignées, on constate que le peintre Henri-François Riesener est l’oncle d’Eugène Delacroix ; il est issu du mariage de Jean-Henri Riesener, le célèbre ébéniste, avec Françoise Vandercruse, veuve de Jean-François Oeben, dont la fille Victoire épouse Charles-François Delacroix, le père d’Eugène. Raymond Jean-Baptiste, l’officier de marine modèle de notre toile, est le neveu de Raymond de Verninac, l’ambassadeur et préfet précédemment cité. Ce dernier, épouse en 1797 Henriette, la sœur d’Eugène Delacroix, dont l’image nous est parvenue grâce au merveilleux portrait que Jacques-Louis David fit d’elle en 1799. De cette union nait Charles de Verninac (fig.2, 1803-1834) que Delacroix (son oncle) peint dans les années 1825. Delacroix, orphelin dès l’âge de 16 ans, est proche des Verninac et se rend dès qu’il le peut visiter sa sœur aînée dans leur propriété du Lot. Il vénère son oncle Henri Riesener ; cet ancien élève de Vincent et de David est un portraitiste reconnu. Dans son journal du 26 juin 1823, Delacroix en fait l’éloge « J’ai admiré le portrait de Felix de Riesener, il me fait envie ». Si l’affection de Delacroix pour son oncle et sa tante ne fait aucun doute, il ne suit pas forcément à la lettre les conseils de Riesener quand il lui propose d’intégrer l’atelier de David.
Les Riesener ont une propriété près de Saint Leu, au nord de Paris. L’été venu Delacroix s’y rend régulièrement. Il y cotoie son cousin germain, de dix ans son cadet, Léon Riesener qui vient d’intégrer l’atelier de Gros. Dans les années 1830 Delacroix peint le portrait de sa tante, ainsi que celui de Léon.
Henri-François Riesener n’est pas en reste, il peint en 1804 le portrait de Charles-Henri Delacroix le frère d’Eugène en costume du régiment des chasseurs à cheval. Une rare miniature de Riesener le représentant a été acquise récemment par la Fondation Custodia. Elle met en relief un savoir-faire développé lors d’un passage de deux ans dans l’atelier d’Antoine Vestier qui lui enseigne l’art de la miniature à partir de 1788 avant que Riesener rejoigne l’atelier de François-André Vincent. Vestier fera d’ailleurs le portrait de son père, le grand ébéniste, qu’Henri-François admirait et qu’il gardera sa vie durant. Vestier entretenait des liens d’amitiés avec l’ébéniste du roi, et cette fraternité facilita sans doute la venue d’Henri-François dans l’atelier du peintre miniaturiste.
Riesener expose au Salon à partir de 1793 et se fait une solide réputation de portraitiste sous l’Empire. Le retour des Bourbons au pouvoir et le manque de commandes l’incitent à quitter la France pour la Russie en 1815. En obtenant la protection du duc Constantin Pavlovitch, le frère du tsar Alexandre 1er, il assure sa notoriété et reçoit des commandes de toute l’aristocratie. C’est sans doute après son séjour à la cour de Russie, nous sommes en 1822, que Riesener rentre en France pour retrouver les siens. C’est Delacroix, en septembre de la même année, qui le confirme, lors d’un séjour en Touraine chez son frère Charles « quel plaisir d’y retrouver Henri Riesener et son fils Léon ».
Le portrait qu’il réalise de son cousin par alliance, le jeune lieutenant de vaisseau doit dater de ces années. Raymond de Verninac, alors âgé d’une trentaine d’années, n’est pas au faîte de sa gloire. Ce n’est qu’en 1831 qu’il est chargé par Louis-Philippe et son gouvernement de convoyer par les mers l’obélisque de Louxor, cadeau diplomatique du vice-roi d’Egypte Méhémet Ali à la France. Également originaire du Lot, Jean-François Champollion, dont la réputation d’archéologue n’est plus à faire depuis la traduction des Hiéroglyphes, est envoyé en émissaire pour choisir l’une des deux colonnes du temple d’Amon de Louxor.
Le convoiement de ce monolithe en granit rose mesurant 23 mètres de haut pour 240 tonnes est une opération à hauts risques…pour ainsi dire pharaonique. Une commission est formée pour examiner le moyen le plus simple et le plus sûr pour transporter l’obélisque en France. Raymond de Verninac dans ses souvenirs publiés en 1835 en donne le verdict « Elle s’arrêta unanimement à la proposition d’un navire à fond plat, capable de tenir la mer, de résister à ses secousses et de naviguer sur les petits fonds de la Seine ».
Un bateau à voiles à trois mats démontables, pour remonter le Nil ainsi que la Seine, baptisé le Luxor est construit aux chantiers navals de Toulon. Durant la traversée de la Méditerranée, avant d’atteindre les côtes égyptiennes, Raymond de Verninac se rend compte que sans l’aide d’un bateau à vapeur pour remorquer le voilier l’opération risque d’être remise en cause. « Un bateau à vapeur pouvait seul nous rendre confiance » confie-t-il dans ses mémoires. Un vapeur nommé le Sphinx est envoyé à Alexandrie. Le 19 décembre 1831 l’obélisque est chargé sur le Luxor, Le convoi peut dès lors prendre la mer. La traversée est longue et périlleuse puisque le Luxor et le Sphinx arrivent seulement à Cherbourg le 12 août 1833. Lorsque le roi Louis-Philippe avait désigné Verninac pour conduire l’expédition, il était loin d’imaginer les difficultés de cette entreprise. Le Moniteur universel (Le Moniteur universel ou La Gazette nationale du 6 septembre 1833, p. 1) nous apprend que le roi Louis Philippe, accompagné de sa famille, s’est rendu à Cherbourg les 2 et 3 septembre 1833, non seulement pour voir les travaux de la rade de Cherbourg, mais surtout pour monter à bord du Luxor et rencontrer Verninac. Ce dernier lui fît une présentation du déplacement de l’obélisque à l’aide d’un ensemble de dessins retraçant l’expédition. Un exploit que la roi salua et remercia Verninac pour le succès de sa mission en le nommant capitaine de corvette. Il fallut attendre le 25 octobre 1836 pour assister place de la Concorde à l’érection de l’obélisque en présence du roi et d’une foule innombrable .
Le nom de Verninac fut alors gravé sur l’une des faces du piédestal de l’obélisque.