(1767 Nancy – Paris 1855)
Portrait de Monsieur Pujol
Plume, encre et lavis sur papier
31 x 23 cm « à vue »
Signé, daté et dédicacé en bas à gauche
« Isabey f pour monsieur Pujol le 15 Juillet 1803 »
Jean-Baptiste Isabey naquit à Nancy dans une famille plutôt modeste et reçut ses premières formations artistiques du peintre paysagiste Jean-Baptiste Claudot (1733-1805) et du fresquiste Jean Girardet (1709-1778). Devant quitter Nancy pour Paris en 1785, c’est durant cette période qu’il s’initia, pour subvenir à ses besoins, à la peinture de miniature sur boîtes et boutons historiés. Grâce à son talent, il fut rapidement introduit à la cour de Versailles, auprès de Marie-Antoinette, et réalisa de nombreux portraits.
En 1788, il entra dans l’atelier de Jacques-Louis David (1748-1825), avec lequel il noua une amitié durable et l’assista pour la réalisation de certaines toiles. Mais sa carrière prit un véritable tournant lorsqu’il rencontra la famille Bonaparte, alors qu’il était professeur de dessin à l’Institut national de Saint-Germain. Particulièrement apprécié des napoléonides, il fut choisi en tant qu’« Ordonnateur des réjouissances publiques et des fêtes particulières aux Tuileries, Dessinateur du Sceau des titres », pour concevoir l’ensemble des costumes du Sacre de Napoléon, en 1804.
Sollicité par la suite pour ses talents de miniaturiste, il réalisa un grand nombre de portraits à l’aquarelle mais aussi des décorations de porcelaine, notamment pour la Manufacture de Sèvres. Aussi, ses remarquables talents de décorateurs s’exprimèrent à merveille à travers la scénographie, puisqu’il devint en 1810 le dessinateur en chef de l’Opéra de Paris.
Ainsi, Jean-Baptiste Isabey se révéla comme la figure parfaite du peintre au service des Bonaparte. Cependant, cette étiquette ne l’empêcha pas de devenir un artiste éminent de l’époque de la Restauration, tenant salon dans son hôtel particulier de la rue des Trois-Frères, où se produisit par exemple le compositeur François-Adrien Boieldieu (1775-1834). Toujours apprécié du pouvoir en place, Louis XVIII le nomma dessinateur et ordonnateur des fêtes et spectacles de la Cour, il conçut d’ailleurs, pour les funérailles du souverain, le décor de la chapelle ardente.
Il ressort de la vie d’Isabey, le profil d’un homme de mondanité, proche du pouvoir, dont les talents surent se dévoiler sous de nombreux aspects. Notre dessin, représentant le portrait d’un certain Monsieur Pujol, dressé à la plume et réhaussé de lavis, confirme le caractère sociable et l’amour de l’artiste pour les lieux d’effervescence et de rencontres, mais cette fois-ci, non pas à travers de grandes commandes officielles, mais par le biais d’un cadeau intime, offert entre amis.
En effet, Monsieur Pujol était connu du milieu artistique parisien du début du XIXe siècle, dans le quartier du boulevard Montmartre, car il tenait une des plus fameuses auberges de la capitale, l’hôtel garni de la Grange-Batelière, au 2, rue Pinon, aujourd’hui la rue Rossini. Ayant été tailleur de la Maison de la Reine jusqu’en 1790, il se reconvertit avec son épouse, Jeanne Henriette Vansut dans l’hébergement et la restauration. Son établissement était fréquenté par une clientèle prestigieuse, allant de l’artiste au militaire en passant par l’homme politique. C’est d’ailleurs dans cette auberge que les peintres Carle Vernet et son fils Horace, des habitués, comme le fut probablement Isabey, entretinrent de proches relations avec la Garde impériale, ce qui leur permit d’obtenir la commande du renouvellement de tous les costumes militaires de l’empire en 1811. Monsieur Pujol était donc proche de tous ces artistes – au point d’ailleurs que sa fille, Louise Jeanne, se maria avec Horace Vernet en 1811 – et entretenait de véritables relations d’amitié avec eux, comme en témoigne ce poignant dessin réalisé par Isabey.
Dans ce portrait d’une grande modernité, notamment en raison de son cadrage, le tenancier est saisi à mi-corps, les jambes occultées par une table de billard, tenant la canne de sa main droite en la posant sur son épaule. La pose du modèle, suggérant une légère mise en scène, met en valeur la proximité qu’il entretient avec le peintre, soulignée par ce franc sourire et ce regard qui l’invite à jouer. Enfin, la dédicace inscrite par Isabey vient corroborer l’idée d’une relation amicale sincère. Ce portrait, dressé avec légèreté et lavé avec parcimonie constitue donc un témoignage saisissant de l’intimité et des amitiés vécues par l’un des portraitistes et décorateurs les plus fameux du début du XIXe siècle en France.