JEAN-JOSEPH VINACHE
(1696 – 1754)
L’Amour piqué par une abeille
Groupe en terre cuite
Hauteur : 60,5 cm
Diamètre base : 28 cm
Vers 1742
Exposition : Paris, Salon de 1742, n° 110 « Un esquisse de terre cuite, représentant l’Amour piqué d’une abeille. Tiré d’Anacréon »
Fils d’un fondeur important du règne de Louis XIV, Jean-Joseph Vinache dut faire valoir un bon niveau technique auprès de l’électeur de Saxe Auguste le Fort puisqu’il est choisi en remplacement de François Coudray (mort en 1727) pour finir une grande statue équestre représentant l’électeur dans une armure à l’antique sur un cheval cabré.
De retour à Paris, Vinache est agréé à l’Académie Royale en 1736, puis reçu comme académicien en 1741 avec un grand groupe en marbre représentant Hercule enchaîné par l’Amour (fig.a, musée du Louvre, inv. n°MR. 2114). Un an après sa consécration, l’artiste expose au Salon quatre numéros : une Diane au bain accompagnée d’une nymphe, une Diane à la chasse, une allégorie représentant l’Etude, enfin une esquisse en terre cuite, celle présentée ici : l’Amour piqué d’une abeille.
Comme l’indique l’intitulé du catalogue d’exposition du Salon de 1740 (fig.b), le sujet de cette grande statuette appartient à la veine anacréontique célébrant les pouvoirs et les dangers de l’Amour, thématique très présente dans les arts durant le premier tiers du XVIIIème siècle. Plus précisément, Vinache reprend l’ode XL des Poésies d’Anacréon et de Sapho lorsque Vénus, explique à l’Amour la douleur de ses flèches par comparaison avec une simple piqûre de guêpe :
« L’Amour sur un buisson vouloit prendre une rose, / Qui brilloit à ses yeux nouvellement éclose./ Une abeille en sortit, qui lui pique la main./ Il en jette un cri tendre, il pleure et va soudain/ Trouver la Reine de Cythère./ Je n’en puis plus, dit-il, je suis blessé, ma mère./ Par un petit serpent ailé, / Qui par les laboureurs abeille est appellé./ Mon fils, lui dit Vénus riant de l’Aventure, / Tu ne saurois au doigt souffrir une piqueure./ Tu pleures, tu te crois mortellement blessé. Juge par la tout ce qu’endure/ Un cœur de tes flèches percé. »
(M. Dacier, Les Poésies d’Anacréon et de Sapho, traduites en français avec quelques remarques, nouvelle édition, Amsterdam, 1713).
Pour cette terre cuite, la plus importante que l’on connaisse de lui à ce jour, et sans doute l’une des plus abouties, Vinache reprend la composition d’un bronze de son ainé Corneille Van Clève représentant Vénus et l’Amour qu’il a pu admirer dans les collections d’Auguste Le Fort. Autour de la confrontation des deux personnages dans un intense jeu de regards, l’artiste est surtout parvenu à magnifier le corps de Vénus, Jouant habilement de l’ébauchoir pour les effets de matière visibles sur les attributs traditionnels attachés à Vénus et l’Amour (arc, carquois, tourterelles) sans oublier la ruche renversée laissant apparaître rayons et abeilles épars. Les draperies cachant la nudité de Vénus habilement disposées avec un art consommé témoigne d’une maîtrise parfaite, faisant de ce groupe un vrai morceau d’anthologie de la sculpture au début du règne de Louis XV, dit le bien aimé.