(1870-1943)
L’Annonciation à Fiesole
Huile sur carton contrecollé sur panneau
38 x 53 cm
Monogrammé
Vers 1898
Provenance : Vraisemblablement vendu par l’artiste à Ambroise Vollard (février 1900, CDV n°293 vendu dans un lot) ; Madeleine de Galea (1874-195) ; collection privée, France
Exposition : Maurice Denis, huiles- Dessins-Pastels-Sanguines (1870-1943), Galerie de La Cave, Paris, 17 mars-26 mai 1981, n°15 de l’exposition.
Bibliographie : Figurera dans le catalogue raisonné de l’œuvre de Maurice Denis actuellement en préparation par Claire Denis et Fabienne Stahl.
Du 18 novembre 1897 au 22 janvier 1898, Maurice Denis fut invité avec son épouse Marthe et leur fille Noëlle, alors âgée de 19 mois, à séjourner dans la villa Papiniano à Fiesole, sur les hauteurs de Florence, louée par son ami le compositeur Ernest Chausson (1855-1899).
Denis s’enthousiasma immédiatement pour la beauté du lieu et écrivit à son ami Edouard Vuillard quelques jours après son arrivée « Quel pays ! Imaginez cette maison où plutôt ce palais du vieux Bandinelli juché sur des terrasses en fleurs, entouré d’oliviers, à mi-côte de Fiesole où s’étagent des maisons blanches, jaunes et roses; et à nos pieds Florence dans le bleu des matins et des soirs, au loin les collines de Toscane souples, langoureuses, à perte de vue. Une variété inouïe de campagne: j’y vais me promener (…) j’y vois des choses… Tous les paysages des primitifs, les cyprès invraisemblables, les rochers géométriques, les longues files d’oliviers cendre-verte » (Lettre datée du 23 novembre 1897, reprise dans M. Denis, Journal, T.I, p. 123-124).
Notre Annonciation prend place, non pas dans un décor architecturé, comme c’était fréquemment le cas, mais sur la terrasse de cette villa toscane, reconnaissable sur le photographies prises par le peintre, avec l’alignement de pots de fleurs sur la balustrade, les parterres de végétation géométriques, le palmier-dattier, et les cyprès en contre-bas.
L’Annonciation est le thème le plus représenté dans l’œuvre de Maurice Denis, qui réalisa pas moins de 40 œuvres sur ce thème biblique.
Notre esquisse semble être la première Annonciation dans la carrière de l’artiste, sans doute parce que son épouse tomba enceinte pendant leur séjour à Fiesole.
Comme toujours, Denis personnifia les figures de son œuvre, donnant à la Vierge les traits d’Annie Chausson (1885-1965), une des filles du compositeur, aux yeux bleus et aux cheveux noirs.
Denis reprit encore la jeune fille comme modèle pour l’un des anges musiciens encadrant l’Assomption de l’église sainte Marguerite du Vésinet en 1901.
La référence au peintre Fra Angelico, moine dominicain du Quattrocento, connu de ses contemporains comme Fra Giovanni da Fiesole, est ici évidente.
Denis, qui voyait depuis ses fenêtres le couvent de San Marco (dont la silhouette se détache ici à l’arrière-plan) avait toujours admiré l’artiste florentin, qui avait eu un rôle décisif dans sa vocation de peintre chrétien (voir M. Denis, Théories 1890-1910 et Maurice Denis, Notes sur la peinture religieuse, L’Art et la Vie, Octobre 1896). On retrouve notamment, parmi les œuvres ayant appartenu à la famille Chausson « une copie de l’Angelico, L’Annonciation, dédicacée « A Annie Chausson, Florence 98 Maurice Denis » ainsi qu’un Portrait de madame Chausson, d’après l’Angelico (voir Thérèse Barruel, Maurice Denis et Ernest Chausson. Correspondance inédite et catalogue des œuvres de Denis ayant appartenu à Chausson, in Revue de l’Art, 1992, n°98, p. 75 et 76).
Le thème original du Mystère catholique est ici repris et amplifié: c’est un ange-prêtre, en habits liturgiques et assisté de deux enfants de choeur, qui annonce l’Incarnation à la Vierge, en lui montrant le livre de la Parole. Le lys est devenu « palmier de la justice », (…) et au lieu d’un livre signe traditionnel de sa foi à la Bible, Marie tient un bouquet virginal (…). Les personnages, revêtus de robes indécises dans la lumière, sont ancrés et actualisés par le rouge vif des chaussons et du bas des soutanes »
Le tableau, vendu à Ambroise Vollard (1866-1939) en février 1900 fit partie de l’ensemble d’œuvres que le marchand légua, en 1911, à sa maîtresse, Madeleine de Galéa (1874-1956), tout comme lui originaire de la Réunion. Madeleine de Galéa hérita, au décès de Vollard, de plus de 2000 œuvres, parmi lesquelles notre Annonciation de Maurice Denis.