(1747 Rouen – Paris 1810)
Portrait d’Honoré-Gabriel Riquetti, comte de Mirabeau (1749-1791)
Buste à mi-corps en terre cuite
Haut. : 46 cm ; Larg. : 28 cm.
Signé et daté sous la découpe de son bras : Lucas 1790 / Montigny
Tout en mettant en exergue la personnalité mal connue du sculpteur Lucas de Montigny, seul artiste à avoir modelé les traits de Mirabeau de son vivant, ce buste inédit est aussi l’occasion d’évoquer ces liens étroits qui unirent les deux hommes au travers du plus beau des portraits qu’il réalisa de lui et sans doute une de ses œuvres les plus marquantes.
Commandant de la garde nationale de Marseille, Jean-François Lieutaud commande à la fin de l’année 1789 le buste du plus virulent des députés à Lucas de Montigny afin d’orner la salle des séances de la Société des amis de la constitution dans la Maison Commune de Marseille, Mirabeau choisissant lui même Montigny. Achevé en avril 1790, le marbre est aussitôt expédié de son atelier parisien jusqu’à la cité phocéenne. Si ce buste en marbre a disparu, sans doute brisé après le revirement brutal de l’opinion publique lors de la découverte de la correspondance de Mirabeau avec le roi à l’ouverture de l’armoire de fer, on considérait jusqu’à aujourd’hui que le grand plâtre signé et daté 1790 correspondait au modèle de cette commande (haut. 80 cm, signé sous la découpe du bras : J R N Lucas de Montigny fecit 1790. Collection A. Kann, vente Paris, galerie Georges Petit, 6-8 déc. 1920, n° 172, repr.), Mirabeau, apparaissant dans une présentation intimiste, la chemise largement ouverte, bombant le torse, la tête haute et le regard assuré, un manteau négligemment posé sur l’épaule retombant à l’arrière du piédouche.
La découverte de ce nouveau portrait dans une présentation plus conforme aux conventions d’usage pour une commande officielle destinée à un lieu public remet en question cette première hypothèse et permet d’imaginer avec vraisemblance que l’œuvre que nous présentons est la réplique autographe de ce fameux portrait de la Maison Commune de Marseille. Toujours drapé de manière théâtrale, Montigny a cette fois représenté Mirabeau col fermé par un flot de jabot bouillonnant négligemment noué s’échappant de la veste ouverte, la tête violemment rejetée sur le côté comme pour haranguer la foule, portant une luxueuse perruque retombant à l’arrière en boucles abondantes qui constitue en elle-même un formidable morceau de virtuosité.
Le style assez inhabituel et très personnel du sculpteur marqué par un vérisme d’une expressivité exacerbée, l’artiste n’ayant pas hésité à représenter les traits épais et le visage marqué par les ravages de la petite vérole, transparait ici clairement en comparant les portraits sculptés de Houdon, Jacques-Philippe Dumont ou encore Claude-André Deseine réalisés à la suite de la mort de Mirabeau le 2 avril 1791 et du concours organisé par la Société des Jacobins. Deseine sourd-muet remporte la coupe mais gratifié par son élection l’année suivante comme membre du Jury des arts l’année suivante, Montigny exécute un dernier portrait en marbre et en hermès de son ami, (Haut. 55 cm. Paris, musée du Louvre, inv. : R.F.347) dernier défenseur d’une monarchie, « dont les débris vont devenir la proie de factieux » pour reprendre les derniers mots du tribun sur son lit de mort.