(1698 Paris 1762)
Médée sur un char trainé par des dragons ailés
Sanguine
240 x 360 mm
Exécuté entre 1723 et 1732
Dessin inédit dont la contre-épreuve est conservée au cabinet des arts
graphiques du musée du Louvre (inv. 24670)
Provenance : collection privée, Danemark
Notre feuille a servi de modèle à une contre-épreuve conservée aujourd’hui au musée du Louvre et provenant de la collection Saint-Morys. Celle-ci porte au verso, de la main du collectionneur la mention « Medée sur le Char traînée par des dragons ».
Médée, la fille du roi de Colchide, s’étant éprise de Jason, aida le héros à conquérir la toison d’or. Après quelques années de bonheur, celui-ci abandonna la magicienne pour Créüse. La vengeance de Médée fut terrible. Elle tua Créüse et ses propres enfants et s’enfuit à Athènes sur un char attelé de deux dragons ailés.
Une iconographie alternative a récemment été suggérée. Il s’agirait plutôt d’une représentation du mythe de Triptolème, roi d’Eleusis. En récompense de l’hospitalité que Déméter reçoit à Eleusis, chez les parents de Triptolème, elle lui donne un char tiré par des dragons ailés, et lui ordonne de parcourir le monde en semant partout des grains de blé (cf Stéphane Melchior-Durand, Les dessins mythologiques de Bouchardon et la réforme du goût sous Louis XV, in Daniel Rabreau (dir.), Paris, capitale des arts sous Louis XV, peinture, sculpture, architecture, fêtes, iconographie, 1997, Blake & Co./Arts & Arts, p. 119-120, fig.90).
Sa culture littéraire, sa familiarité avec la fable et le mythe et son ambition de se confronter au grand genre, conduisirent Bouchardon à produire de nombreux dessins à la sanguine à sujets profanes au cours des années 1730-1740.
Ces « véritables petits tableaux à la sanguine dans la grande manière de la peinture d’histoire » devaient également beaucoup à son amitié avec le comte de Caylus, amateur d’antiques et érudit célèbre, ainsi qu’aux savants de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.
Il aborda des sujets puisés dans les Métamorphoses d’Ovide, comme Actéon et ses chiens (Los Angeles, collection Sauvage), ou les Fastes du même auteur, comme Les Fêtes de Palès (Boston, collection Horvitz).
Signe de l’importance qu’il accordait à ces œuvres autonomes, Bouchardon en exposa plusieurs au Salon, entre 1737 et 1746.
Notre feuille est très aboutie d’un point de vue stylistique : nulle place n’y est laissée à la réserve. Les hachures bouillonnantes des nuages, l’expression farouche des dragons, la tension du geste de l’aurige, renforcent le dynamisme de la scène.
Le trait libre et rapide, d’un seul jet et ne montrant aucune hésitation illustre à merveille la facilité de l’artiste et la puissance de création de celui que Cochin désignait comme « le meilleur dessinateur de son siècle ».
Mariette, un des plus grands amateurs de dessins du XVIIIe siècle, consacra à sa façon le Bouchardon dessinateur en rassemblant dans ses portefeuilles plusieurs centaines de ses feuilles.
Le motif du dragon, qui par son caractère fantastique correspondait bien à l’esthétique rocaille en vogue en France dans les années 1730-40, fut repris par d’autres sculpteurs. L’exemple le plus remarquable est peut-être le Dragon de la cour du même nom aujourd’hui démolie, dont il était l’emblème et qui est aujourd’hui conservé au Louvre, reconnu comme l’un des chefs d’œuvre de Michel-Ange Slodtz.