(1745-1818)
Le marquis de Pons passant en revue le régiment d’infanterie du Dauphiné
Huile sur toile
64,5 x 80,3 cm / encadré : 80,5 x 94,5 cm
Daté en bas à droite 1772
Inscrit au dos du cadre «ARMAND AUGUSTIN DE PONS»
Provenance : Collection privée, Rouen
La famille de Pons, aujourd’hui éteinte, comptait au XVIIIe siècle parmi les plus distinguées du royaume, certains de ses membres s’étant illustrés à la croisade, d’autres ayant combattu durant la Guerre de Cent Ans sous les ordres de du Guesclin. Originaires de Saintonge, ils furent parfois qualifiés de « rois de Guyenne », tant leur influence et leur richesse étaient grandes (leur juridiction s’étendait sur 250 fiefs).
Charles-Armand Augustin avait embrassé la carrière des armes, servant tout d’abord chez les mousquetaires, comme lieutenant en second, puis comme capitaine, avant d’être nommé en 1770 colonel du régiment d’infanterie du Dauphiné, unité qu’il dirigea par la suite, de 1781 à 1788.
Ce régiment, originellement créé en 1629, servit, durant cette période de relative accalmie militaire, en Corse, lors du rattachement à la France, puis stationna dans le midi, fournit un détachement pour la garnison des vaisseaux pendant les guerres d’Amérique et fut cantonné dans le pays de Gex, en 1782, durant les troubles de Genève.
Resté fidèle au roi, le vicomte de Pons participa à diverses entreprises contre-révolutionnaires. Avec Sombreuil, le baron de Batz, un Montmorency-Laval, et le marquis de La Guiche, ils se réunissaient dans l’Ermitage du château de Bagnolet, à Charonne. Batz est demeuré célèbre pour avoir tenté d’enlever la personne du roi sur le chemin de l’échafaud, le 21 janvier 1793.
Pons ne put échapper à la terreur. Arrêté pour « conjuration de l’étranger », emprisonné à Sainte-Pélagie, il périt guillotiné le 17 juin 1794, quelques semaines avant la chute de Robespierre, place de la Révolution (l’ancienne place Louis XV, l’actuelle place de la Concorde).
Le caractère extraordinairement luxueux et raffiné de la représentation du vicomte de Pons, passant en revue les troupes du Royal Dauphiné, bien reconnaissables à leur étendard vert à croix blanche, évoque à merveille la sophistication de la société d’Ancien Régime. Le tapis de selle cramoisi gansé de passementeries, les tresses et les rubans du cheval blanc, probablement un lipizzan, l’élégance du vicomte dont la livrée s’accorde à la robe du cheval, confèrent à cette scène militaire un charme unique.
Formé dans l’atelier de Jean-Jacques Bachelier, Bertaux, artiste rare dont la mémoire nous a été conservée par quelques grands morceaux à sujets historiques comme La prise du palais des Tuileries , 1793, aujourd’hui conservée au château de Versailles, se fit une spécialité des tableaux de chasse et de vénerie.
Remplissant la même charge que Jean-François Perdrix (1746-1809) auprès du prince de Condé, Bertaux fut en effet chargé par le duc Louis-Philippe d’Orléans, veneur passionné, d’exécuter de grandes compositions décrivant avec force détails des chasses mémorables.
L’artiste mélange sur notre toile le pittoresque des costumes et des équipages avec un véritable souci d’exactitude dans la représentation des figures, à la façon d’un miniaturiste. On ne peut que penser à Carmontelle (1717-1806), l’aquarelliste et grand ordonnateur des fêtes du duc d’Orléans, dont plusieurs centaines de dessins sont conservés à Chantilly et constituent un répertoire unique de cette brillante société que fréquentèrent certains membres de la famille de Pons. Le même charme, le même esprit, la même dévotion pour les représentations de profil se retrouvent dans le corpus des deux artistes, dont on peut imaginer qu’ils se croisèrent dans les allées du Palais Royal…