(1750 Einsielden – 1834 Paris)
Portrait du comte Lancelot Turpin de Crissé
(1716-1793)
Cire multicolore sur carton-bois, présentée dans son cadre et son emboîtage d’origine
30,5 x 24,5 cm
Encadré : 47 x 39 cm.
Signée en bas, à gauche A. Couriguer Fecit
Vers 1785
Dans son cadre d’origine, d’époque Louis XVI
Inscrit au dos du montage : Me de Carandelet
Porte une étiquette ancienne inscrite Lancelot Turpin de Crissé
Un carton collé au dos du montage portant le nom de madame France Denoyel, descendante du comte Turpin de Crissé
PROVENANCE : Resté dans la descendance du modèle jusqu’au décès de madame France Denoyel, en 1984 ; collection particulière de l’ouest de la France
Les exemples de tableaux en cire multicolore qui nous sont parvenus intacts sont d’une grande rareté. Tout d’abord, la complexité de cette technique raffinée et spectaculaire a restreint le nombre d’artistes s’y étant essayé. Ensuite, la relative fragilité du médium a posé des problèmes de conservation au fil des années, puis des siècles…
Notre cire de belles dimensions, composée sur un fond de carton-bois a été protégée par un emboîtage hermétiquement clos et probablement jamais ouvert depuis le XVIIIe siècle.
Elle met en scène dans un décor néoclassique orné de frises de poste et de drapés, assis à sa table de travail, Lancelot Turpin, comte de Crissé et de Sauzay (1716-1793), chef de l’une des plus anciennes familles de l’aristocratie française.
Militaire de carrière, il devint en 1734, le commandant d’un régiment de hussards qui portait son nom, le Turpin Houzards. Ayant embrassé une vocation religieuse, il se retira à l’abbaye de la Trappe, mais découragé par la sévérité de son existence, il réintégra l’armée. Il s’illustra aux batailles de Fontenoy et de Lawfeld. Dix-sept campagnes et quarante années de service lui valurent la grand-croix de l’ordre de Saint-Louis. Durant l’Émigration, il fut l’un des officiers généraux de l’armée de Condé et s’éteignit à Vienne où il avait trouvé refuge chez le prince Esterhazy.
vant tout homme de guerre, il fut aussi un écrivain distingué, dissertant d’abord sur le métier des armes, mais s’intéressant également à la philosophie et n’hésitant pas à critiquer les abus nés de la vénalité des charges au sein de l’armée. Ses Commentaires sur César parus en 1785 trouvent un écho dans le médaillon placé dans notre cire, tel une figure tutélaire, au-dessus de son propre visage.
Non contents de faire partie de l’une des plus antiques familles du royaume, les Turpin jouissaient également d’une influence certaine à la cour, où ils reçurent les Honneurs en 1742. Une autre marque de considération fut la signature par le roi du contrat de mariage d’Henri-Roland-Lancelot (1754-1800), fils aîné de notre modèle et père de Lancelot-Théodore (1782-1859), le célèbre peintre paysagiste de la Restauration.
Cette famille très cultivée, dont la collection comportait d’importantes œuvres d’art, fut ruinée à la révolution et Lancelot-Théodore dut longtemps vivre de son travail d’artiste reconnu.
La cire a été utilisée par les sculpteurs pour de multiples usages au cours des siècles. Matériau fascinant, permettant un travail d’esquisse grâce à sa ductilité, sa fragilité et sa sensibilité à la chaleur ne nous ont pas permis d’en garder beaucoup d’exemples.
Le Portrait de Louis XIV par le sculpteur et peintre Antoine Benoist (1632-1717) nous livre une vision hyperréaliste et sans concession du souverain, que la cire permet de restituer dans ses moindres détails, pour l’expression, la pilosité ou le grain de la peau.
La Maquette du lit de Mme du Barry pour son appartement au château de Fontainebleau, réalisée par un atelier parisien d’après un modèle de Jacques Gondouin (1737-1818), utilise la polychromie et la souplesse du matériau pour décrire le bouillonnement rocaille des étoffes.
Ernest Meissonier (1815-1891) est parvenu à restituer avec réalisme et sensibilité le détail des muscles du cheval du Voyageur grâce à la cire dont le travail était selon ses dires « …une ivresse immédiate du créateur ».
Ce matériau a donc offert aux créateurs, à côté de la terre cuite du bronze ou du plâtre, une grande variété d’usages. La rareté des œuvres conservées les rend d’autant plus précieuses aujourd’hui.
Biographie :
Joseph Anton Kuriger (1750-1834), originaire d’Einsiedeln en Suisse allémanique, avait francisé son nom pour ce faire appeler Couriger. Membre d’une dynastie de sculpteurs en cire et d’orfèvres, il bénéficiait en 1784 du mécénat du duc d’Orléans, et se fit une spécialité de portrait en médaillon ou en ronde-bosse, comme ceux du roi et de la reine de Naples, Joachim et Caroline Murat, réalisés en collaboration avec Guillaume Biennais (Château de Fontainebleau), ou encore le Portrait de John Nash conservé à la National Portrait Gallery de Londres.