(1718 Viarmes – Rome 1762)
Un chasseur
Huile sur panneau de noyer
29 x 22,5 cm
Encadré : 42,3 x 33 cm
Vers 1756
Provenance : Galerie Cailleux, Paris, Février 1956 ; Collection Jacqueline Beytout ; sa fille, Virginie Beytout
Bibliographie : Dominique Jacquot « « Jean Barbault , le théâtre de la vie italienne », 2010, p. 88, cat 19 ; Rosenberg, « Quelques nouveautés sur Barbault », in « Actes du Colloque Piranèse et les français », Rome, 1976, p. 502, fig.11
Exposition : Jean Barbault (1718-1762), le théâtre de la vie italienne, Musée des beaux-arts des Strasbourg, du 21 mai au 22 août 2010
Mentionné comme élève du célèbre peintre religieux janséniste, Jean Restout, le jeune Barbault resta néanmoins peu connu durant la première partie de sa vie, dont il ne reste que de maigres informations. En 1745, il concourut pour le Grand Prix sans rencontrer le succès. C’est trois ans plus tard, le 27 mars 1748, que son nom apparut contre toute attente sous la plume de Jean-François de Troy, directeur de l’Académie de France à Rome, à la villa Mancini. Le document – une lettre adressée au Surintendant des Bâtiments du Roi, Lenormant de Tournehem – fait état du voyage que Barbault entreprit par ses propres moyens jusqu’à Rome et de l’affection que lui portait le directeur, reconnaissant son talent. Deux ans plus tard, de Troy parvint à convaincre le surintendant de lui accorder la faveur spéciale de l’intégrer comme pensionnaire de l’Académie.
Le nom de Barbault reste aujourd’hui indissociable de la série de tableaux commandés par de Troy en souvenir de La caravane du Sultan à la Mecque, une grande mascarade turque donnée par les pensionnaires de l’académie en 1748 lors du Carnaval de Rome. Dispersés lors de la vente Julienne, en 1767, plusieurs d’entre eux ont disparu, d’autres sont conservés au musée du Louvre, comme la Sultane grecque et le Prêtre de la Loi ; à la Fondation Cini de Venise, ou au musée départemental de Beauvais, comme l’Emir Bachi et l’Ambassadeur de Perse. Son œuvre la plus célèbre, la monumentale Mascarade des quatre parties du monde, peinte en 1751, de la collection du marquis de Breteuil, se trouve actuellement au musée de Besançon.
Parallèlement à ces projets d’envergure, Barbault reçut d’Abel-François Poisson de Vandières, futur marquis de Marigny et successeur de son oncle, Lenormant de Tournehem, à la surintendance des Bâtiments du Roi, une commande dont la trace put être retrouvée grâce la Correspondance des Directeurs de l’Académie de France à Rome avec les Surintendants des Bâtiments, publiée par A. de Montaiglon et J. Guiffrey, à Paris, en 1900, tome X, p. 332.
En effet, lors de son Grand Tour d’initiation à la culture artistique européenne, Vandières, accompagné de Jacques-Germain Soufflot, Charles-Nicolas Cochin et l’abbé Leblanc, apprécia tout particulièrement les talents de Barbault pour croquer et portraiturer avec finesse la vie de la cité romaine. Il lui commanda alors, par l’intermédiaire du directeur de la villa Mancini, la réalisation d’une douzaine – ou bien quatorze selon la liste – de tableaux, comme en témoigne l’extrait de la lettre du 10 novembre 1751 :
« Le Sr. Barbault, pensionnaire, a fini six tableaux des douze que vous lui aviés ordonné. Il les a envoyés par le courrier de Lion à M. Soufflot qui s’est chargé de vous les faire parvenir. Ces six tableaux sont : Le Suisse de la Garde du Pape ; Le cocher du Pape ; Le chasseur ; La Frascatane ; La Fille dotée ; La Vénitienne. Il se dispose à faire, conformément à vos ordres : Le Cardinal ; Le Prélat de Mantellette et de Mantellon dans le même tableau ; Le Chevau-léger ; Le Gentilhomme en habit de cour ; La Neptunese ; La Florentine ; Donna della Torre dei Greci ; La Calabrese. S’il y a quelques choses à changer dans ce projet, vous aurés la bonté de me le faire savoir. »
L’inventaire après décès du marquis de Marigny, devenu duc de Menars, ne mentionna aucun de ces tableaux en 1781. Ils restèrent sans doute dans les collections de Soufflot, avant d’être dispersés dans de nombreuses ventes durant les deux dernières décennies du XVIIIe siècle. Les variations de ces « costumes » qui émergèrent de ces dispersions mirent en lumière une habitude de Barbault, qui consistait à répéter ses sujets, les décliner dans divers mediums, passant notamment de la toile au panneau de bois, comme pour notre huile. Ces compositions pittoresques de la vie italienne, dont le nombre témoigne de leur succès, intéressèrent de nombreux collectionneurs ainsi que des artistes, comme le graveur Léon Gaucherel, qui réunit douze des tableaux de Barbault afin de réaliser la série des « Costumes d’Italie » en 1862.
Parmi ces gravures se trouve Le Chasseur Romain, réalisé à partir de l’huile sur toile de Barbault de 1751. Cette dernière fut déclinée par l’artiste, à travers un nouvel angle de vue, sur une toile, en 1756. A partir de celle-ci, Barbault répéta probablement une nouvelle fois le même sujet – notre œuvre – sur un panneau de noyer.
Notre huile sur panneau se place donc plus tardivement dans la production de l’artiste, à l’époque où il ne faisait plus partie de l’Académie de France à Rome, puisqu’il fut évincé en 1753 par le successeur de de Troy, Charles-Joseph Natoire, en raison de son mariage célébré en secret et de ses nombreuses dettes. Néanmoins, Barbault collabora durant cette période avec Piranèse, notamment en 1756, à la réalisation de quatorze planches de son célèbre ouvrage de gravures : Le Antichità Romane.
Notre panneau représente parfaitement la touche de Barbault et son appartenance au groupe des peintres appelés les « Piranésiens », comme Joseph-Marie Vien ou Louis-Joseph Le Lorrain, lors de leur séjour à Rome. La touche est sûre, vive et généreuse, même onctueuse, offrant une texture riche à la peinture, visible sur le vert kaki de la veste du chasseur, le blanc laiteux de sa chemise ou le jaune pâle de son pantalon. La rapidité mêlée à la précision des coups de pinceau chargé de matière picturale dévoile les volumes et le modelé des mains et du visage taillés comme des facettes.
Sur ce point, la manière de Barbault trahit l’influence que Pierre Subleyras, mort au sommet de sa gloire à Rome, en 1749, eut sur sa peinture : un dessin assuré et éloquent supportant des couleurs profondes et enivrantes. A ce propos, une vente du 12 mars 1782 mentionne deux tableaux de costume de Barbault, dont un chasseur et une jeune fille vêtue en bleu, qui « tiennent de la belle manière de Subleyras ».
Nous remercions monsieur Dominique Jacquot de nous avoir confirmé l’attribution de notre tableau.