(Paris, 1733-1808)
Caprice avec la Colonnade de Saint-Pierre de Rome et Hercule Farnèse
Vers 1760-1762
Plume et encre brune, lavis brun, graphite sur papier vergé
305 x 215 mm
Provenance : collection privée.
Bibliographie et exposition : inédit.
La statue d’Hercule Farnèse compte parmi les œuvres antiques les plus célèbres de l’ère moderne. Emblématique d’un canon masculin à la musculature hors-norme incarnant la force légendaire du héros de la mythologie, la sculpture a inspiré Michel-Ange (1475-1564) et ses émules, avant de devenir une icône du goût et de la collection au XVIIe siècle. Conservée au Palazzo Farnese à Rome jusqu’en 1787, la statue haute de trois mètres était alors abondamment reproduite sous la forme de bronzes de petite dimension, afin de décorer les cabinets des collectionneurs. Au XVIIIe siècle, dans le contexte du Grand Tour, Hercule Farnèse devient un motif récurrent de la peinture de caprices d’architectures et de sculptures, dont Giovanni Paolo Panini (1691-1765) était le maître incontesté en Europe, jusqu’à sa mort en 1765. La date correspond à l’année du retour en France d’Hubert Robert qui, fort de ses dix années passées à Rome, produit des vues d’architectures inspirées de monuments existants et animées de personnages commentant des sculptures célèbres.
Après un apprentissage dans l’atelier du sculpteur Michel-Ange Slodtz (1705-1764), Robert voyage en Italie en 1754, avec l’ambassadeur de France auprès du Saint-Siège, le futur duc de Choiseul. Cette protection lui permet de disposer d’un logement et de suivre l’enseignement de l’Académie de France à Rome, où Panini donne le cours de perspective. Robert dessine aussi bien à l’encre ou au graphite sur des carnets, qu’à la sanguine et à l’aquarelle sur de grandes feuilles.
Au sein de son corpus abondant, un groupe de dessins se distingue. Il s’agit de vues urbaines et de caprices exécutés vers 1760-1762, à l’encre, sur des feuilles de moyen format. Certaines sont conservées au musée du Louvre, composant autrefois un album factice que Robert a gardé toute sa vie dans son atelier. L’une de ces feuilles, La Chambre avec un feu allumé, partage de nombreux éléments avec le dessin commenté ici. Le processus de création est le même puisque Robert trace d’abord sa composition au graphite, qu’il recouvre aussitôt avec un pinceau chargé de lavis, dont l’assèchement progressif joue avec le grain du papier, offrant des effets texturés dans le ciel notamment. Après un court temps de séchage, Robert prend la plume trempée d’encre pour reprendre l’ensemble de la composition. Rapidement, il trace les contours des nuages et des formes architecturales à l’arrière-plan, puis de l’obélisque, de la statue et du feu qui s’élève au pied de cette dernière, rappelant avec son humour coutumier la mort d’Hercule. Quelques rehauts de blanc renforcent la lumière vive émanant du feu.
L’immense portique que le Bernin (1598-1680) a imaginé pour Saint-Pierre-de-Rome durant la seconde moitié du XVIIe siècle a régulièrement inspiré Robert. Ici, il le dépouille des statues surmontant chaque colonne, afin de mettre en valeur Hercule Farnèse. Comme à son habitude, il montre des monuments célèbres habités par de jeunes gens. Ce dessin a certainement compté dans le processus d’invention du caprice appartenant à l’abbé Terray et exposé avec succès au Salon de 1777. Outre la présence de la statue d’Hercule, les femmes affairées aux pieds de la statue, ainsi que l’homme au chapeau et vêtu d’une longue cape, servant de repoussoir, sont des éléments communs aux deux œuvres.
Le travail de reformulation du dessin conservé dans l’atelier se poursuit bien plus tard, en 1790, lorsque Robert répond avec tiédeur à la commande de six grands tableaux verticaux pour l’hôtel particulier de Beaumarchais. L’exécution est confiée à son assistant, Étienne Rey, mais Robert en a certainement dessiné la composition de chacun, dont le tableau représentant la statue d’Hercule Farnèse entouré de verdure, et au pied duquel s’amoncellent des colonnes en ruine. Elle illustre parfaitement l’importance des dessins exécutés en Italie et leur présence dans l’atelier du peintre. Il semble très probable que le dessin ait compté parmi les centaines de feuilles passées, sans description, dans la vente posthume de l’atelier de Robert en 1809.
Notice de Sarah Catala.