JEAN-BAPTISTE II LEMOYNE
(Paris, 1704-Paris, 1778)
Portrait présumé de madame Mazeline
Buste en terre cuite
Socle en marbre brèche
Haut. totale : 55 cm
Haut. piédouche : 10 cm
1743
Provenance : Collection privée, Ile de France
Issu d’une dynastie d’artistes comptant Simon Guillain, son grand-père paternel, son père Jean-Louis et son oncle Jean-Baptiste Ier, tous sculpteurs importants, J.-B. II Lemoyne suit tout naturellement la trace de ses aînés. Reçu en 1744, il succède à Boucher comme directeur de l’Académie en 1768. Si son activité se partage clairement entre la sculpture monumentale et funéraire – largement développée par Dezallier d’Argenville dans la notice qu’il consacre au sculpteur – et l’art du portrait, seul ce dernier trouve grâce aux yeux de Diderot à l’exclusion du grand genre si l’on en juge par ses commentaires du Salon de 1765. « Cet artiste fait bien le portrait, c’est son seul mérite. Lorsqu’il tente une grande machine, on sent que la tête n’y répond pas, il a beau se frapper le front, il n’y a personne…. Faites des portraits, M. Le Moyne, mais laissez là les monuments », écrit Diderot au sujet de l’activité de l’artiste dans ses commentaires du Salon de 1765.
Provenant par descendance de la même collection où figurait le buste récemment redécouvert de Claude-Nicolas Le Cat (terre cuite. Signé et daté : par J.B. Lemoyne / 1743 /Claude. nls LeCat, Collection particulière), ce portrait inédit en terre cuite correspond très certainement au portrait de Madame Mazeline (Réau, Une dynastie de sculpteurs au XVIIIème siècle. Les Lemoyne, 1927, p.152, n°134). En effet, tous deux, exécutés au même moment dans la capitale normande avaient totalement disparu et n’étaient connus par aucune photographie jusqu’à aujourd’hui.
Lemoyne les réalisa en 1743, au moment où il patiente à Rouen pour l’installation de la statue équestre en bronze du monarque à bord d’un vaisseau. Haillet de Couronne en témoigne dans son Héloge de J. B. Lemoyne : « Pendant son séjour à Rouen, (Lemoine) avait modelé de portrait de M. Le Cat et celui d’une dame de cette ville, Mme Mazeline, dont la tête lui a servi ensuite au mausolée du Cardinal Fleury ».
Mariée à un architecte – descendant du célèbre sculpteur Pierre Mazeline (Rouen, 1632- Paris, 1708) – dont on doit toute la décoration du chœur de l’église rouennaise des Carmes Déchaussés en 1730, notre modèle faisait partie du cénacle artistique et intellectuel de Rouen dominé par Jean-Baptiste Le Cat, président de l’Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Art de la capitale normande.
Ce portrait de madame Mazeline présente toutes les caractéristiques propres à l’art de Jean-Baptiste Lemoyne. Refusant la loi de frontalité, le sculpteur pose son modèle la tête et le regard tournés de côté vers la droite, ignorant le spectateur qui le contemple, tout comme dans le Buste d’homme conservé au Metropolitan Museum of Art à New York. Hormis la draperie symbolique retenue par une agrafe délimitant la base inférieure du buste découpé à la naissance des épaules, Lemoyne a évité les détails frivoles pour porter toute son attention sur l’intériorité générale et l’introspection psychologique de son personnage. On y retrouve son goût et sa maîtrise du modelage de la terre, certainement son moyen d’expression favori qu’il communique à ses élèves Caffiéri et Pajou. Son modelé a quelque chose de caressé, de moelleux et grâce à un savant travail de riflage imprime l’apparence de la chair vivante et de la vie par les vibrations d’ombre et de lumière jouant sur la surface de la matière. La parenté avec l’art du pastel paraît évidente jusque dans le faire savamment négligé de certaines parties.
Le traitement des yeux comme du regard en creusant la pupille mais également en délimitant les formes par un trait vigoureux et ferme est également caractéristique de sa manière qui se retrouve dans le beau buste de madame Du Barry conservé au Saint Louis Art Museum, ou encore dans celui de Mademoiselle Carroilhan de Vandeul (Cleveland Museum of Art). « La matière qu’il (le sculpteur) emploie semble, par la solidité et par la durée, exclure les idées fines et délicates ; il faut que la pensée soit simple, noble, forte et grande. Je regarde un tableau ; il faut que je m’entretienne avec une statue » ajoute Diderot. Sur ce point Lemoyne nous en donne ici un témoignage particulièrement éclatant.
Nous remercions Madame Cécile Champy-Vinas, spécialiste de l’artiste, qui a confirmé l’attribution de notre sculpture après examen de visu, le 12 juin 2019.