(1785-1860)
Portrait de jeune fille
Huile sur toile
56 x 45,7 cm / encadré : 75,5 x 64 cm
Signé et daté en bas à droite, sur le dossier de la chaise Monanteuil 1835
Cachet Haro sur le châssis
Provenance : Collection privée, Etats-Unis
La merveilleuse sensibilité d’une jeune femme de province, perdue dans un songe né de ses lectures, exprimée par une palette réduite de noirs, de gris relevé de prune et de blancs subtilement modulés à la manière des peintres hollandais du XVIIe siècle, voilà tout l’art de Monanteuil, un des artistes trop méconnus de son temps, à mi-chemin entre classicisme et romantisme, révélé par une image douce et prenante à la fois.
Les yeux mi-clos du modèle, la délicatesse de son geste évoquent un monde de silence et d’intériorité. Les détails des boucles de sa coiffure, la matière crémeuse de son col, la virtuosité du traitement des plis de son vêtement, nous disent tout le soin mis par l’artiste pour réaliser ce portrait rempli d’intimité, que l’on imagine assez bien être celui d’une proche. Différent de certaines de ses œuvres, d’un réalisme parfois assez cru, Monanteuil retrouve ici l’idéal de beauté qu’il avait connu au sein de l’atelier de Girodet mort dix ans plus tôt et qui le marqua, par son exigence technique et sa science des belles images, pour le restant de sa carrière.
Jean-Jacques Monanteuil voit le jour à Mortagne-au-Perche, dans l’Orne, au sein d’une famille assez modeste mais reconnue localement : son père d’origine champenoise est un marchand qui a participé aux évènements révolutionnaires en devenant membre du bureau municipal. Le futur artiste manifeste assez tôt des dispositions pour le dessin, assez pour être remarqué par Louis-Joseph Poissonnier de Prulay (1762-1817), fils du médecin de Louis XV et propriétaire du château du même nom, aux portes de Mortagne. Grâce à lui, le jeune Monanteuil reçoit une première formation artistique à l’Ecole Centrale de l’Orne, avant de quitter sa région natale pour Paris en 1800 afin d’y parfaire son éducation et de lancer sa carrière.
Monanteuil trouve une place aux Petits-Augustins, au sein du prestigieux atelier du peintre d’Histoire, Anne-Louis Girodet (1767-1824), ancien élève de David (1748-1825). Le jeune peintre reçoit dans cet atelier, véritable cabinet de collectionneur, un enseignement classique ambitieux, grâce à la copie d’après l’antique ou les œuvres du Louvre, sans oublier les études anatomiques. Après un bref séjour à l’Ecole des Beaux-Arts, Monanteuil retourne auprès de son maître, dont il deviendra un très proche collaborateur. En effet, il servira de modèle à Girodet pour la figure du jeune Chactas, dans un de ses chefs-d’œuvre, Les Funérailles d’Atala, 1808, conservée au musée du Louvre.
La réputation de Monanteuil se développe progressivement grâce à son talent de lithographe, qu’il met au service de Girodet. Sa plus importante réalisation en ce domaine reste la lithographie des illustrations de son Enéide réalisées entre 1811 et 1824. Le recueil ne sera cependant publié qu’entre 1825 et 1827, car la mort prématurée de Girodet en 1824, obligera Antoine Claude Pannetier (1772-1859), un autre lithographe du projet, à terminer les illustrations de la série. Après cet épisode, Monanteuil, alors reconnu dans le milieu artistique parisien, travaillera, entre autres, comme lithographe pour Pierre-Narcisse Guérin (1774-1833) et Antoine-Jean Gros (1771-1835).
Sa notoriété établie, Monanteuil expose de plus en plus d’œuvres au Salon. Sans s’attirer les lauriers des premières places, il récolte néanmoins les éloges de la critique. Il tire parti de ce nouveau statut puisqu’il est dorénavant sollicité pour réaliser les portraits de quelques personnalités comme la duchesse de Berry (1798-1870) ou Châteaubriand (1768-1848).
Après quelques années, ses sujets changent et ses inspirations évoluent, désormais son art se penche sur la vie quotidienne et pittoresque des travailleurs, paysans et marins. Après s’être finalement établi à Alençon en 1828, une véritable fascination pour le côté sauvage et rustique de la Bretagne le pousse au voyage.
De retour dans sa région natale, la notoriété du peintre lui permet de devenir le portraitiste de la bourgeoisie et des notables locaux grâce un style unique : un réalisme intimiste, presque pittoresque, dont les lignes anatomiques et physionomiques ainsi que le sens de la construction des corps, trahissent une formation néoclassique prestigieuse. Cette synthèse des mouvements et des préoccupations artistiques font de Monanteuil un peintre singulier et reconnu.