LOUIS-FRANCOIS CASSAS
(1756 Azay-le-Ferron – Versailles 1827)
Caravane de l’artiste attaquée par des brigands sur la route de Hhemss à Palmyre, mai 1785
Plume, encre, aquarelle et gomme arabique
660 x 1015 mm
Vers 1785-1790
Gravé par Simon Charles Miger (1736-1820) pour le « Voyage Pittoresque de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine, et de la Basse-Egypte », Paris, 1799, planche n°24
Provenance: Collection particulière, France
Cassas passa ses premières années de formation dans la demeure parisienne du duc de Rohan Chabot où une école de dessin avait été fondée. Bien que les leçons de Vernet, de Vien, de Lagrenée et de Leprince lui aient été précieuses, ce fut son séjour en Italie de 1779 à 1783 qui eut le plus d’influence sur sa carrière. A Rome et en Campanie, Cassas manifesta un intérêt croissant pour les sites et les monuments antiques. Ses dons pour le dessin étaient exceptionnels et il travaillait sans cesse, parcourant l’Italie, la Grèce, la Dalmatie. Un peu plus tard, il accompagna le comte de Choiseul Gouffier à Constantinople, et pendant quatre ans voyagea à travers le Proche-Orient et l’Asie Mineure, répertoriant tous les sites classiques. Au début du XIXème siècle, il se servit de ses dessins pour réaliser des livres sur ses voyages. Sa carrière reste intimement liée à la redécouverte des civilisations antiques et ses dessins, livres et gravures sont également des témoignages uniques sur cette époque.
En 1784, alors qu’il était à Constantinople avec Choiseul-Gouffier, Cassas décida de partir en Syrie et en Egypte faire une ample provision de dessins en vue de la publication de son « Voyage Pittoresque », qui devait paraître en l’an VI (1798). Au bout de quelques jours de ce nouveau périple, et suite à une tempête, le bateau de Cassas dut s’arrêter à Smyrne, où l’artiste reçut un tel accueil, qu’il y passa près d’un mois, restant notamment huit jours à Ephèse à dessiner et mesurer tous les vestiges du temple d’Artémis et de la Porte de la Persécution. C’est alors qu’il était à Tripoli, que Cassas décida de traverser le désert de Syrie pour découvrir les célèbres ruines de Palmyre.
Voyageur intrépide, il se munit de recommandations spéciales de M. de Voize et de l’argent et des présents nécessaires pour les cheiks. Portant le costume oriental et la barbe, et comme il se devait, bien armé, Cassas rejoignit une caravane en mai 1785 afin de pouvoir enfin gagner Palmyre. Ils furent alors attaqués par une troupe de brigands arabes qui les dépouilla de leurs biens, les obligeant à se réfugier à Carieten, puis à rebrousser chemin pour se munir de nouveau des indispensables présents.
On sait, par la lettre de la gravure, que l’escarmouche eut lieu au-dessus de Sudud, un village avant Howarein, sur la route entre Hhemss et Palmyre. Cassas décida d’illustrer cette attaque dans son ouvrage, et exécuta notre aquarelle, qui servit de modèle à la belle et grande gravure dont un exemplaire est notamment conservé au Fogg Art Museum de Cambridge.
Des brigands armés arrivent à dos de chameaux, se découpant avec netteté sur les montagnes bleutées à l’arrière-plan, tandis que la caravane se défend, abritée derrière quelques rochers et arbustes. Grâce à la description précise de l’artiste mentionnée dans l’ouvrage d’Annie Gilet « Louis-François Cassas und der Orient », on peut parfaitement identifier l’artiste au centre du groupe, la main tendue en avant. Habillé « à la manière des arabes, portant un manteau rayé noir et blanc, la tête enveloppée d’une grande cesse surmontée d’une espèce de corne, la barbe déjà longue… » (Gilet, 1989, p.146).
Le Voyage Pittoresque de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine, et de la Basse-Egypte est un fabuleux recueil de 330 planches, toutes gravées sur les dessins, et sous la direction, de Cassas. C’est Choiseul-Gouffier, qui avait déjà financé le Voyage en Grèce, qui couvrit les frais de l’entreprise. A sa mort, en 1785, ce fut Anisson-Duperron, directeur de l’imprimerie du Louvre, qui en prit la charge, jusqu’à ce que le gouvernement lui succède. On peut lire dans un prospectus imprimé en l’an VI aux frais de la République : « Secondant les efforts de l’auteur et voulant tenir avec lui les conventions successivement faites par les amateurs dont on vient de parler, (le gouvernement) a voulu fournir à toutes les dépenses exigées pour la plus belle exécution des gravures de cet ouvrage (… ) déjà plus de cent planches sont terminées et deux cents autres sont préparées à l’eau-forte par les plus habiles graveurs, qui tous ont été et sont encore employés à cette entreprise… «
Une note confirme encore que » le gouvernement, convaincu de l’utilité de cette entreprise pour le progrès des arts et de sa liaison intime avec l’enseignement de l’architecture et les intérêts du commerce, l’a encouragée avec persévérance au milieu même des crises de la révolution, en ordonnant à ses frais la gravure des planches et l’impression du texte « . La préparation de ce texte avait été confiée aux » citoyens » Ginguené, membre de l’Institut, pour la partie historique et la rédaction du voyage; Legrand, architecte, pour la partie théorique et descriptive de l’architecture, et Langlès, membre de l’Institut, pour la partie des langues orientales et des inscriptions. L’ouvrage parut, à partir de 1798, par livraisons mensuelles, comprenant chacune dix planches avec leur explication.