(1799 Amiens – Paris 1858)
La voie des tombeaux à Taormine
Huile sur toile
41,2 x 59,5 cm
Signé et daté en bas à gauche : P. Thuillier.1841.
Exposition : Paris, Salon de 1843, n°1139
Provenance : Vente après décès de l’artiste, Paris, hôtel Drouot, maître Pillet, 14 février 1859, n°36 « La voie des Tombeaux, à Taormine (Sicile) »
Les années 1830 marquent un tournant dans l’art du paysage en France. Nombre de jeunes artistes, en marge du mouvement Romantique, rejetèrent alors les modèles du paysage classique prônés par l’Académie. Thuillier s’inspira parfois des exemples de Claude et de Poussin – ici un groupe de figures, là un élément de composition ou un éclair de lumière – pour ancrer dans la grande tradition française ses scènes réalistes, sans sacrifier pour autant leurs qualités les plus modernes.
Après des études de notariat, Thuillier choisit de se consacrer à la peinture et entra dans l’atelier de Watelet en 1825. C’est là qu’il rencontra Théodore Caruelle d’Aligny, avec lequel il devait plus tard partir pour l’Italie. Il débuta avec des vues de sa région, ainsi que de nombreux paysages de la forêt de Fontainebleau, et exposa à Amiens dès 1827.
Après un passage dans l’atelier de Gudin et ayant installé son chevalet en région parisienne et en Normandie, cet artiste au caractère très indépendant et grand voyageur, passa les années 1830 sur les routes, visitant notamment l’Allemagne (1833), l’Angleterre (1834), la Belgique et la Hollande (1835-36), et ne passant que peu de temps dans son atelier parisien de la rue de Vaugirard (au numéro 22). Ayant parcouru l’Italie au début des années 1840, Thuillier partit pour l’Afrique du Nord, visitant l’Algérie et l’Egypte, dont il ramena des paysages orientalistes qui ne sont pas sans rappeler l’œuvre de Prosper Marilhat.
Thuillier exposa régulièrement au Salon, de 1831 à 1857, et fut très apprécié de la critique, qui louait tant son approche naturaliste des sites, que ses effets de lumière particulièrement délicats. Récompensé à quatre reprises, il reçut notamment une médaille d’or de première classe au Salon de 1839 pour Le Château de Rochechinard.
C’est alors qu’encouragé par ses nombreux succès, Thuillier partit pour l’Italie, d’où il ramena un certain nombre de vues, de Naples, de Tivoli mais surtout de Sicile.
On n’en compte pas moins de sept dans sa vente après décès, dont notre tableau (n°36 du catalogue), ainsi que la magnifique Vue du théâtre de Taormine (musée de Picardie, Amiens). Un Paysage avec le Palazzo della Badia, date également de ce voyage (localisation inconnue)
Taormine fut la capitale de la Sicile Byzantine, qui prit précisément fin avec la chute de la ville en 902. La domination musulmane dura jusqu’à l’arrivée des normands, en 1061. De nombreux vestiges de toutes les époques, antique, byzantine et médiévale, se retrouvent au gré des paysages. Ils exercèrent sur tous, simples touristes, peintres et écrivains, une même fascination. Le théâtre grec est le site le plus souvent représenté, la voie des tombeaux, bien qu’elle offre également une vue dominante et majestueuse sur l’Etna, retint moins souvent l’attention des artistes.
Notre composition met en scène, dans un site grandiose dominé par la silhouette du volcan, la cinquantaine de tombes byzantines, s’inscrivant dans d’épais murs le long de la via Pirandello. Situées en bas de la ville, elles furent ensevelies au XIXe siècle, et n’ont été redécouvertes que récemment, lors de travaux, en 1996.
Lorsque Thuillier exposa ses vues de Taormine au Salon de 1843, il reçut un accueil chaleureux de la critique « M. Thuillier a trouvé la chaleur sans trop de violence, l‘éclat sans exagération. –Un soleil splendide éclaire tous ses tableaux, Palerme, l’ancienne voie Tiburtine, ; la voie des tombeaux et Taormina. Des côtes ardemment éclairées, des terrains solides, la chaude harmonie qui règne entre la mer indigo, le ciel d’azur, les collines violettes, des ciels éclatants et dans deux de ces tableaux une grande sévérité de lignes attestent chez cet artiste de hautes études qui feront de ses qualités brillantes des qualités sérieuses. » (Salon 1843, collection des principaux ouvrages exposés au Louvre…, texte par Wilhelm Ténint, p. 40)
Si notre Voie des tombeaux se distingue du tableau d’Amiens par sa froide lumière du matin, on y retrouve le groupe de trois personnages conversant, cher à l’artiste, également présent au premier plan du Paysage avec le palazzo della Badia.